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Frederik Haranburu "Xistor", prisonnier politique basque, commence sa 24° année de prison; il aurait pu être en liberté condtionnelle depuis 2008. Soutenons sa demande de liberté!

Xistor: "Je me souviens"

Xistor: "Je me souviens"

Agur, lagunak!

Parmi les mille et une péripéties qui me sont arrivées, je me souviens particulièrement de deux!

La première péripétie s’était passée, je crois, en 1979 lors d’une journée de fin d’hiver ou début du printemps. Quand j’étais dehors, depuis tout jeune, j’allais très souvent à l’embouchure de l’Adour ou au Rocher de la Vierge de Biarritz pour voir les pêcheurs ou tout simplement pour aller contempler la mer que j’appréciais particulièrement quand elle est en colère. C’est une chose qui me relaxait énormément, comme les balades accompagnées de mon chien.

Voilà qu’un jour de mauvais temps, je décidai d’aller à la barre côté Anglet. Après avoir garé ma voiture, me dirigeant vers la jetée, j’aperçus la mer très agitée comme je l’aimais. Je croisai alors un copain qui revenait bien accompagné du bout de la digue et avec qui nous commençâmes à tchatcher certainement de tout et de rien, car ce n’était pas le gars qui ne pratiquait pas le surf, ni le body-surf (une de mes passions). Tout en discutant nous regardions un courageux pêcheur qui était sur la digue, quand subitement une vague plus forte que les autres éclata et submergea littéralement une partie de la digue à l’endroit où était justement en poste le fameux prédateur de poissons dont nous admirions la témérité inconsciente. Le problème c’est que quand les centaines de m3 d’eau de la vague regagnèrent leur place pour laisser réapparaitre la digue, notre pêcheur avait disparu. Mon sang ne fit alors qu’un tour, et instinctivement, tout en courant vers l’endroit qui avait été submergé, je me déshabillai, semant de-ci de-là mes chaussures, mon blouson, pantalon, polo et tricot (je dus certainement garder mon slip, parce que, mes amis le savent, j’ai toujours été très pudique) .

Dès que j’aperçus ce pauvre homme à l’agonie au milieu des remous des vagues, en escaladant les blocs de béton protégeant la digue, je réussis à plonger à la rescousse de ce malheureux. Je parvins tant bien que mal à le saisir comme il se doit en pareille circonstance par derrière la tête afin que dans ses débats de survie il ne m’entrainât pas avec lui nourrir les crabes. En buvant quelques petites tasses salées, je réussis en m’aidant de la force des éléments à rejoindre l’endroit nommé "le brise-lame " où il est assez facile de reprendre pied (si on peut dire). Je tirai alors hors de l’eau mon compagnon de fortune et je le mis en position latérale de sécurité afin de l’aider à reprendre sa respiration et qu’il puisse également renvoyer l’eau qu’il avait ingurgitée. C’est là que le copain et son accompagnatrice avec qui je discutais auparavant nous rejoignirent avec mes affaires et des couvertures de sièges de voitures qu’ils avaient récupérées en vitesse dans leur véhicule. Bien leur en prit, car nous étions transis de froid. Le copain en question m’expliqua que quand j’avais plongé au sauvetage de notre malheureux, nous disparûmes dans les remous. C’est alors que ne nous voyant plus, ils s’affolèrent et décidèrent d’aller à la cabine téléphonique qu’il y avait sur le lieu pour appeler des secours. Quelques minutes plus tard, effectivement, les flics et les pompiers arrivaient. D’un commun accord avec le copain nous nous éclipsâmes discrètement afin de ne pas nous laisser noyer (sic!) par les questions des flics. Ils me demandèrent néanmoins de passer ultérieurement au commissariat, car ils estimaient que ce qu’ils appelaient bravoure méritait récompense. Les pompiers aussi allaient d’ailleurs dans ce sens. Bien sûr je ne me suis jamais présenté nulle part, car la meilleure des récompenses c’était pour moi d’avoir sauvé ce pauvre homme. J’étais en accord avec ma conscience et c’était déjà pas mal !

La deuxième péripétie s’est passé un jour d’été de 1982. J’étais en famille à la plage des cavaliers à Anglet, en compagnie également d’un copain et de sa famille. Quand soudain le copain me fit remarquer qu’un homme désemparé au bord de la plage appelait au secours en voyant ses deux jeunes fils s’éloigner inexorablement du bord sur leur matelas pneumatique et mis en danger par les vagues assez fortes. Connaissant très bien cet endroit, je compris de suite que la vie de ces jeunes était menacée. En effet, à marée descendante un courant tirant vers le large se produisait le long de la digue de cette plage. Le risque pour ces jeunes garçons était que vers le dernier tiers de cette digue les vagues venaient se briser sur celle-ci. Arrivés à cette hauteur-là, le matelas et nos jeunes matelots affolés auraient obligatoirement été projetés sur les blocs protégeant la digue et ils se seraient inexorablement fracassés dessus.

Ni une ni deux, je pris mes palmes et je me lançai à l’eau à leur secours. Le copain passait par la digue. Arrivé à hauteur de nos jeunes naufragés je réussis à saisir un coin de leur matelas tout en essayant de les tranquilliser. Vu la force du courant, je compris vite qu’à la nage je ne pouvais pas lutter contre pour revenir vers la plage. Je décidai alors de m’approcher de la digue où le copain pourrait me donner un coup de main pour sortir ce petit monde du danger en les hissant sur la digue. Au prix de quelques éraflures et hématomes causés par les blocs de protection de la digue nous parvînmes à sauver ces jeunes téméraires au moment où les guides baigneurs sauveteurs arrivaient aussi pour nous aider. Ce jour-là aussi je refusai toute promesse de récompense.

Pour mémoire : Je n'ai pas non plus oublié les tortures qui m’avaient été infligées par la Guardia Civil au cuartel de Villareal de Alava en 1973. Suite auxquelles personne ne fut détenu (entre nous j’en suis encore très fier !). C’était sous le régime du caudillo à l’époque où les provinces basques étaient en état d’exception et que je vivais à Gasteiz. Plus tard en 1986 je fus aussi victime d’un attentat du GAL où je reçus 4 balles de 9 mm (si ça intéresse, je peux également vous raconter comment ça s’était passé et aussi pourquoi ils me tiraient dessus alors qu’au départ je n’étais pas du tout visé, car inconnu).

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C
Quelle bonne idée Xistor de nous avoir fait partager un peu de ta mémoire. Ton carnet de souvenirs occupe sûrement une grande place dans ta tête et j'ai très envie de te dire ce que disent souvent les enfants quand on leur a raconté une histoire qu'ils ont aimée, "dis moi encore une histoire". C'est sûr, tu es quelqu'un de bien.
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C
Quelle bonne idée Xistor de nous avoir fait partager un peu de ta mémoire. Ton carnet de souvenirs occupe sûrement une grande place dans ta tête et j'ai très envie de te dire ce que disent souvent les enfants quand on leur a raconté une histoire qu'ils ont aimée, "dis moi encore une histoire". C'est sûr, tu es quelqu'un de bien.
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A
et on met en taule des gens comme çà, des gens comme Xistor qui sauvent des vies ?<br /> mais oui çà intéresse de savoir ce qui s'est passé en 86<br /> aupa Xistor
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